L’appellation Cognac engagée dans sa révolution verte

Alors que les vignes de l’appellation Cognac occupent environ 78 000 hectares, la surface de zones Natura 2000 représente, sur le même périmètre, près de 130 000 hectares ! Le réseau Natura 2000 rassemble des sites naturels ou semi-naturels de l’Union européenne ayant une grande valeur patrimoniale, par la faune et la flore exceptionnelles qu’ils contiennent. Il a pour objectif de maintenir la diversité biologique des milieux, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable. Il rappelle que la conservation de la biodiversité et d’aires protégées présente un intérêt économique à long terme.  

Conscients de l’importance stratégique pour l’environnement de ces réservoirs de biodiversité, les viticulteurs du Cognac sont en première ligne pour en assurer leur gestion afin de favoriser le développement de la biodiversité. Une évolution stimulée par la Certification Environnementale Cognac & HVE, qui au-delà du respect de la réglementation, les encourage à participer aux différents programmes d’actions de préservation : maintien de jachères, plantation de haies ou encore installation de nichoirs pour les oiseaux à titre d’exemples.  

Ces évolutions renforcent la biodiversité du vignoble en augmentant la biomasse présente dans le sol. Les cultures entre les rangs, plantées après les vendanges et détruites au printemps, favorisent la prolifération des vers de terre, une biomasse qui aère le sol et lui redonne vie. Les parcelles sur lesquelles la culture de la vigne n’est pas possible, ou celles dont les ceps ont été arrachés, sont souvent mises en jachère et plantées avec des espèces attirant les abeilles et les petits animaux comme les lapins. La replantation de haies favorise la biodiversité en augmentant l’habitat et les réservoirs de nourriture de la faune locale.  

Les effets de ces bonnes pratiques sont visibles dans le vignoble du Cognac où les viticulteurs expérimentent ce nouvel équilibre et où la biodiversité contribue à l’amélioration de la culture de la vigne sans la concurrencer. 

OBSERVER POUR MIEUX PROTEGER

Initié par la région Nouvelle-Aquitaine, le projet VitiREV vise à impulser les changements nécessaires pour modeler les territoires et les pratiques viticoles de demain. Cette ambition portée par tous les vignobles de la région s’inscrit dans une prise en compte systémique de la transition écologique, énergétique et agricole à l’horizon 2030. À Cognac, le BNIC, dans la continuité de sa démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), a décidé de porter ses efforts autour du bassin-versant du Né (affluent de la Charente). Un observatoire environnemental – eau, air, sol, biodiversité – est en cours de création. En partenariat avec le CNRS de Chizé, l’observatoire de la biodiversité vise à doter le territoire d’un outil d’observation et de remontée d’informations auprès des acteurs concernés. 

ZONES PROTÉGÉES  

Delphine Bellebeau, viticultrice et pépiniériste dans le Cognac, indique qu’elle a souscrit à une charte Natura 2000 dans le cadre de la Certification Environnementale Cognac & HVE « ce qui permet de conserver des zones protégées pour favoriser la présence des oiseaux. Nous avons planté des haies avec l’aide d’un ingénieur de l’INRAE de Bordeaux afin de reconstituer un habitat pour les oiseaux également. En tant que biologiste de formation, je cherche toujours à être éco-responsable ». 

À Merpins, un projet environnemental d’envergure a vu le jour pour préserver la biodiversité sur une parcelle située dans une zone Natura 2000. Depuis 2010, les Domaines Rémy Martin se sont associés à la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) pour mettre en œuvre un projet de boisement d’ampleur tout en permettant à la faune et à la flore traditionnelles des bords de Charente de recoloniser le milieu naturel. Pour cela, des essences d’arbres telles que frênes et aulnes ont été plantées au sein d’une parcelle de peupliers. « Les équipes de la LPO effectuent des diagnostics écologiques sur cette parcelle et s’assurent de la préservation de la biodiversité locale. Depuis 2017, les suivis effectués ont mis en évidence une progression de la diversité des espèces floristiques et faunistiques, avec la présence d’espèces végétales et animales remarquables. La parcelle répond ainsi à ses objectifs de bio séquestration efficace du carbone atmosphérique et de préservation de la faune et de la flore locales, tout en assurant un développement régulier du boisement » indique Christian Lafage, directeur RSE du Groupe Rémy Cointreau.

JACHÈRES CULTIVÉES  

Mathilde Boisseau, en charge des 180 hectares du vignoble Hennessy, exploite toutes les parcelles impropres à la culture de la vigne « sous forme de jachères  ». Elle précise, par exemple, que « cinq hectares en terrasses sont semés avec des espèces mellifères afin d’attirer les abeilles et de constituer ainsi des refuges pour les insectes auxiliaires ». Il s’agit ainsi de concentrer la biodiversité dans certaines zones favorables aux oiseaux ou à la petite faune comme les lapins. Sur les parcelles où la vigne a été arrachée, Mathilde Boisseau indique : « nous choisissons des mélanges d’espèces couvre-sol pour leur effet nématicide et les semons entre deux replantations afin d’accélérer la diminution des nématodes, une espèce de ver » qui sont des vecteurs de viroses1 pour la vigne. « Nous replantons également des haies, véritables réservoirs de biodiversité. Cela représente déjà plusieurs centaines de mètres et nous comptons accélérer ces plantations partout où cela sera possible » sur le vignoble d’Hennessy présent sur des zones Natura 2000 et dont les vignobles sont certifiés ISO 14001, HVE depuis 2016 et qui ont fait également partie du groupe pilote pour la certification de la filière Cognac en 2018.  

SEMIS DE COUVERT HIVERNAUX, VERS DE TERRE ET FÉVEROLE  

Jean Delpeuch, viticulteur dans le Cognac, fait appel aux « semis de couvert hivernaux ». Il explique : « Après les vendanges, début octobre, je sème de la féverole, dans les allées des vignes pour faire vivre mon sol et ramener de la biodiversité ». Cette plante capte l’azote de l’air, le restitue dans ses racines et le rend disponible pour la vigne lorsque cette culture est détruite au printemps. « La féverole fait alors plus d’un mètre de haut », précise Jean Delpeuch. « Je teste cette culture depuis 2019 sur une allée sur deux. Cela favorise la présence de vers de terre et le sol devient beaucoup plus meuble grâce aux galeries. Un collègue a testé le radis chinois qui est intéressant car il décompacte le sol tassé par le passage des tracteurs en le fissurant naturellement », indique Jean Delpeuch qui note que l’effet sur la vigne de cette pratique ne pourra être évalué qu’à long terme.