Parole de certifiée : Sonia Sicaire, viticultrice à Segonzac

 

Rencontre avec Sonia Sicaire, engagée depuis plus de 10 ans dans une démarche de préservation de la biodiversité et d’amélioration continue de ses pratiques. Son vignoble, certifié Haute Valeur Environnementale (HVE) depuis 2016 et Certification Environnementale Cognac (CEC) depuis 2022, témoigne de son engagement profond pour une viticulture durable.

 

Pouvez-vous nous parler de votre sensibilité à l’environnement et à la biodiversité ?  

Cela a toujours été une évidence pour moi. La nature m’offre les conditions pour produire, alors la moindre des choses est de la respecter. Mon exploitation en dépend, et j’ai toujours eu conscience qu’il fallait limiter son impact sur l’environnement. C’est un équilibre fragile. Je porte une attention particulière au sol vivant, car il est la base de tout.

On peut tous agir à notre échelle. Ce sont les petites actions qui, mises bout à bout, font la différence. Il faut accepter de remettre en question ses pratiques, d’expérimenter, d’apprendre. Il n’y a pas de modèle unique, mais il y a une nécessité : celle de préserver ce qui nous entoure.

 

Vous êtes engagée depuis plusieurs années dans la démarche de certification. Comment cela a-t-il commencé ?  

J’ai entamé mon processus de certification il y a dix ans en rejoignant un groupe pilote chez Rémy Martin pour la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Cette expérience a été un véritable révélateur. On pense parfois bien faire, mais ce travail de remise en question pousse à s’améliorer en permanence. Cela a renforcé mes convictions et m’a permis d’affiner mes pratiques.

J’ai obtenu la certification HVE, puis la Certification Environnementale Cognac, que je continue à renouveler. Mais au-delà de l’aspect administratif, ces labels doivent avant tout être en phase avec le travail sur le terrain. Mon engagement ne se limite pas à une certification ou à une obligation réglementaire : c’est une conviction profonde.

 

Vous avez fait le choix d’abandonner totalement les herbicides. Qu’est-ce qui vous a amenée à ce choix ? 

En 2018, j’ai choisi d’arrêter les herbicides après avoir réalisé que l’herbe n’était pas un problème, mais un atout. Elle protège les sols, favorise la biodiversité et enrichit la terre.

Notre vision du vignoble est encore influencée par l’idéal du jardin à la française où tout doit être maîtrisé et ordonné, mais la nature est vivante et riche. J’ai donc revu entièrement mes pratiques : aujourd’hui, mes vignes sont enherbées à 100 %, aussi bien sous le rang que dans les allées. J’ai également abandonné le désherbage mécanique pour préserver les sols. Bien sûr, il faut gérer l’herbe : je tonds sous les rangs, mais pas de manière stricte, et je laisse les fleurs dans les allées jusqu’à la fin de leur cycle.

 

Comment avez-vous modifié vos autres pratiques pour limiter votre impact environnemental ? 

Je veille à l’équilibre du sol, à la biodiversité et à une fertilisation responsable. J’ai totalement abandonné les engrais chimiques pour des apports organiques, un travail de long terme qui s’inscrit dans une démarche durable.

Depuis des années, je défends la préservation des haies, qui ne sont pas des obstacles mais de véritables refuges pour la biodiversité. Elles protègent les sols, abritent la faune et enrichissent l’écosystème.

Mon objectif ? Un équilibre entre performance et respect de l’environnement. Nous ne sommes pas au-dessus de la biodiversité, nous en faisons partie.

 

Vous participez à l’expérimentation LUMA (Limiter l’Utilisation des produits phytopharmaceutiques), menée par la filière Cognac. En quoi cela transforme-t-il votre approche au vignoble ?

J’ai rejoint LUMA par conviction, avec l’accompagnement d’une ingénieure de la Chambre d’Agriculture. Ce programme expérimental sur trois ans vise à remplacer les phytosanitaires de synthèse par des solutions de biocontrôle comme le cuivre, le soufre et les phosphonates. Les résultats sont encourageants, même en année pluvieuse, mais cette transition demande une observation attentive des vignes et une adaptation en temps réel : il ne s’agit plus de traiter systématiquement, mais de redevenir technicien de son exploitation et de se réapproprier les décisions.

C’est une piste prometteuse pour réduire l’impact des traitements, mais il faut garder un esprit critique. Ce qui fonctionne aujourd’hui ne sera peut-être pas la meilleure solution demain. L’essentiel, c’est de tester, d’évaluer et d’ajuster. Même si ce n’est pas parfait, c’est mieux que de ne rien faire. Si demain une méthode plus vertueuse émerge, je l’adopterai.

 

Avez-vous d’autres objectifs pour l’avenir ? 

J’aimerais aller encore plus loin en n’utilisant que des produits autorisés en agriculture biologique comme le cuivre et le soufre. Mais gérer seule une exploitation demande beaucoup de réactivité, et l’AB exige une surveillance constante. Ce n’est pas toujours évident.

Je suis aussi attentive à l’évolution de la lutte contre la flavescence dorée. Grâce aux zonages et à la prospection collective, des avancées concrètes ont permis d’adapter les traitements, qui ne seront plus systématiques. Le travail collectif se poursuit pour améliorer encore les pratiques, et j’espère que cette dynamique continuera dans ce sens.

Avant, un viticulteur qui travaillait bien, c’était celui dont les vignes étaient parfaitement propres et sans maladie. Aujourd’hui, on doit accepter qu’un rang couvert d’herbe ou un Indicateur de Fréquence de Traitements (IFT) plus bas font aussi partie des nouveaux critères de réussite.

Je me suis fixé mes propres objectifs et j’avance avec détermination. Il y a un vrai ressort psychologique dans cette transition : il faut accepter d’expérimenter, parfois de se tromper, et de remettre en question des habitudes bien ancrées. La réussite ne se mesure plus seulement en rendement, mais aussi en durabilité et en transmission. Nous ne léguons pas seulement un vignoble, mais un patrimoine aux générations suivantes.

 

Un message pour ceux qui hésitent encore ?

Il ne faut pas voir cette transition comme une contrainte, mais comme une évolution naturelle de notre métier. Plus on anticipe, plus c’est facile à mettre en place. Et surtout, on dort mieux quand on sait qu’on est en règle et qu’on fait les choses bien.

L’accompagnement existe, il ne faut pas hésiter à se faire aider. Se lancer, c’est franchir une étape, mais c’est aussi prendre un temps d’avance sur l’avenir de notre filière.