Parole de certifié : Samuel Berthonnaud, viticulteur à Germignac
Rencontre avec Samuel Berthonnaud, viticulteur à Germignac, installé en 2013 sur l’exploitation familiale certifiée en Agriculture Biologique. Expérimentations, agroforesterie, fertilité des sols : il multiplie les initiatives pour faire évoluer ses pratiques et préserver la biodiversité de son vignoble.
Depuis quand êtes-vous en Agriculture Biologique ?
L’exploitation est certifiée en Agriculture Biologique depuis les années 2000. J’ai eu la chance de reprendre la ferme de mon père en 2013, alors qu’il était déjà passé en bio. Ça a été plus facile à reprendre, et pour moi, il était hors de question de faire marche arrière. Le marché commençait à reprendre de la couleur et il fallait produire, mais à mon arrivée, on a connu de gros soucis de maladies et climatiques. On a beaucoup travaillé ensemble pour rectifier le tir et affiner nos pratiques en matière de protection de la vigne. Aujourd’hui, nous sommes sereins.
Quel a été votre parcours avant de reprendre l’exploitation ?
J’étais chasseur alpin à l’époque. Mon père venait de voir sa récolte détruite par le mildiou, alors je suis revenu pour l’aider. En bio, on sait qu’au début du cycle, il faut y aller très régulièrement, environ toutes les semaines, avec des doses réduites plutôt que de faire de gros traitements tous les 10-15 jours. Il vaut mieux raisonner en mettant peu de cuivre mais en protégeant souvent, en suivant la croissance du végétal. En 2024, malgré une année très pluvieuse, nous avions un état sanitaire satisfaisant.
Vous êtes allé plus loin que le bio avec l’agroécologie, pouvez-vous nous en parler ?
Oui, on a engagé beaucoup de démarches dans ce sens : préservation des sols, changement de notre mode de taille, vitiforesterie, enherbement maîtrisé… On fait aussi beaucoup d’essais et on échange beaucoup. Je participe à des expérimentations avec la Chambre d’Agriculture, j’utilise l’Indice de Régénération (IR) du mouvement associatif Pour une Agriculture du Vivant (PADV), et avec Vitibio, on fait aussi des essais sur la réduction de cuivre.
Vous avez même développé un produit que vous auto-produisez, pouvez-vous nous expliquer ?
C’est de la litière forestière fermentée. Je la récolte dans des forêts préservées et je la mélange avec du son de blé et du sucre. Le but est d’enrichir nos sols en micro-organismes. Même en bio, nos sols étaient fatigués. Depuis que je l’utilise, mes indices d’activité biologique ont explosé. On a gardé les enherbements, et il y a de nouveau de la vie : des papillons, des herbes variées. On gère l’herbe avec un rouleau FACA, on accompagne la nature au lieu de lutter contre elle. On a vu notre taux de matière organique remonter passant de 2,4 % en 2018 à 3 % en 2024.
Et côté agroforesterie ?
Nous avons planté sur 8 hectares de vignes avec l’association « Des enfants et des arbres », un système avec une haie coupe-vent et deux allées simples dans les vignes avec des fruitiers. En bout de rang, j’ai mis des pommiers, poiriers, troènes… L’idée est de les garder taillés pour ne pas gêner les passages. On a aussi planté des essences variées sur les contours : noyers, chênes, peupliers, merisiers. J’aimerais reproduire ce modèle ailleurs.
Quels sont vos autres projets ?
On a prévu d’installer un maraîcher bio sur le haut d’une parcelle, on veut faire du pâturage tournant avec des moutons dans deux ans grâce à ma stagiaire, Jade, qui est en cursus de spécialisation, et nous avons lancé un conservatoire de variétés fruitières anciennes avec Mémoire fruitière des Charentes. On essaie d’intégrer une gestion hydrologique à nos plantations en ayant une réflexion sur les courbes de niveau pour ralentir le ruissellement.
Vous observez des effets sur la biodiversité ?
Oui, clairement. Je vois revenir des mantes religieuses, des coccinelles, des rainettes… On sent que l’écosystème reprend vie. J’aimerais aller plus loin avec des comptages, mais le temps me manque.
De quoi êtes-vous le plus fier ?
Les plantations avec les enfants. Leur enthousiasme, leur regard curieux, ça me donne de l’énergie. Je veux leur montrer ce qu’est un viticulteur aujourd’hui : pas juste quelqu’un qui traite ses vignes, mais quelqu’un qui cultive avec la nature.